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Terra Incognita

Un cri coincé dans la gorge
 


Comme si ce mot
Maintes fois il s’était répété à lui-même
Pour s’assurer de son existence

Ne pouvait exister
Que dans sa carcasse de lettres
Aux sonorités chimériques

 


Toutefois devenu réalité
Sous la forme encore indistincte
Mais tangible
D’une tâche noire
Crachant
Sur cette étendue de ciels malades
Et de mouvances amères

 


Ce vocable affable
S’était soudainement évaporé
Dans les limbes du doute

 


Non
Après tant de jours au large
Subissant le caprice des lunes
L’irascible paresse des vents
L’insoutenable monotonie de l’horizon

Lui
Entre délire et fatalité
Ne croyait plus
Ni à ces yeux
Ni à son esprit
Ni à cette fable
D’un autre monde

 


Pourtant
Voici qu’au loin
Se dessine la silhouette
D’une île

 


“Terre”
 


Voilà
Il l’a prononcé
Malgré lui

 


Les larmes aux yeux
Des larmes de joie
Des larmes de folie

 


Et maintenant
Il va bien falloir qu’il l’assume
Ce mot
Chargé de sens
D’espoir
De rêves

 


“Terre”

Questionnent les hommes d’équipage
Incertains d’avoir bien entendu
De pouvoir encore croire à cet oiseau
Perché là-haut dans sa vigie
Qui s’agite comme un dément

 


Et il chante
Et il danse
Et il rit
Et il caquette

 


“Terre”
 


Les hommes aussi rient de bon cœur
À le voir s’agiter ainsi
Sûr qu’il a perdu la raison
Pauvre vieux
Le soleil
L’air marin
Lui aura sifflé la cervelle

 


Néanmoins
Ils s’approchent du bord

 


Pour s’assurer que le néant
Est toujours néant

 


Étendues stériles
Vagues analogues a elles-mêmes
Nuages en cortège gémissant d’ennui

Et ainsi savourer leur désespoir
Ne surtout pas perdre la face
Rester bien tranquille dans la certitude
Du rien

 


C’est tout ce qui leur reste à ces hommes
Pouvoir gausser du capitaine
Peut-être même une mutinerie
Et boire leur rhum
Leur vin
Ou leur eau salée

 


S’enivrer de la certitude
Qu’il n’existe rien au bout
Plus rien derrière
Qu’ils sont allés trop loin
Qu’il n’y a qu’un grand abîme
Dans lequel ils vont bientôt tomber
Et que ce sera la fin du voyage

 


Ils s’approchent du bord
 


Peu à peu
Eux aussi
Commencent à la distinguer
Cette tâche noire
Crachant
Sur la toile

 


Ils se toisent les uns les autres
Aucun ne prendrait le risque d’être la risée de tous
Ou pire, un fauteur de troubles

 


Silence

Ce même silence
Avant les applaudissements dans le théâtre
Lorsque le spectacle s’achève
Avec la mort tragique du personnage

 


Un silence saturé d’émotions contradictoires
 


Personne n’ose bouger
Ni murmurer
Ni souffler

 


On se retient
On retient le temps
Jusqu’à ce que le silence
Atteigne son climax

 


Épais
Palpable
Asphyxiant
Comme l’air
Avant que ne vienne la tempête

 


Une chaleur écrasante
Qui vous fige dans une torpeur

 


De peur
Que le moindre mouvement
Souffle
Ne brise l’atmosphère

 


Que s’abatte la pluie


Et tellement délicate à la fois
Comme une coupe en cristal
Que l’on tient à la main

 


Une légère pression suffirait
Ou seulement lâcher le verre
Pour qu’il vole en éclats

 


À cet instant précis
Ainsi devait être l’âme de ces marins
Prêtes à voler en éclats

 


“Terre”
La coupe se brise

 


“Terre”
La pluie s’abat sur le monde

 


“Terre”
Le public fond en applaudissements

 


“Terre”
Avait crié l’un des marins

 


“Terre”
À répété un autre

 


“Terre, Terre, Terre”
Crient-ils tous à l’unisson

Un grito atrapado en la garganta


 

Como si esta palabra

Que tantas veces se había repetido

Para asegurarse de su existencia

No podía existir

Sino en su osamenta de letras

Y sonoridades quiméricas


 

Sin embargo concretizada

Bajo la forma aún indistinta

Pero ya tangible

De una mancha negra

Escupiendo

En esa extendida de cielos enfermos

Y de amargas vagancias


 

Este vocablo afable

De repente se había desvanecido

En los limbos de la duda


 

No

Después de tantos días en el altamar

Sufriendo el capricho de las lunas

La irascible pereza de los vientos

La insostenible monotonía del horizonte

Él

Entre delirio y fatalidad

Ya no creía

Ni a sus ojos

Ni a su mente

Ni a esta fábula

De otro mundo


 

Sin embargo

Ahí en la lejanía

Se esboza la silueta

De una isla


 

“Tierra”


 

Ya

La pronunció

Sin quererlo


 

Los ojos lagrimeando

Empapados de alegría

Empapados de locura


 

Y ahora

Tendrá que responder

Por esta palabra

cargada de sentido

De esperanza

De sueños


 

“Tierra”

Preguntan los otros marineros

Inseguros de haber bien entendido

De estar dispuestos a creer a este ave

Aislado ahí arriba en su vigía

Que se agita cual demente


 

Y canta

Y baila

Y carcajea

Y Cacarea


 

“Tierra”


 

Los hombres también se meten a reírse

Verlo agitándose enloquecido

Sin duda perdió la razón

Desgraciado

El sol

El aire salobre

Le hubiera chupado el cerebro


 

A pesar de todo

Se acercan a un bordo


 

Para asegurarse que la vacío

Sigue siendo vacío


 

Extendidas estériles

Olas análogas

Cortejos de tedios nubes

Y así saborear su desesperanza

Sobre todo, no perder la cara

Quedarse tranquilamente en la certeza

De la absoluta nada


 

Es todo lo que les queda a esos hombres

Gozar del capitán

Quizá un motín

Y beber su ron

Su vino

O agua salada


 

Embriagarse con la certeza

Que no existe nada al cabo

Nada más tras ellos

Que estuvieron demasiado lejos

Que solo hará un gran abismo

En el cual pronto caerán

Y que será el fin del viaje


 

Se acercan a un bordo


 

Poco a poco

Ellos también

Comienzan a distinguirla

Esa mancha negra

Escupiendo

En el lienzo


 

Se observan cada uno

Ninguna tomaría el riesgo de ser el chismoso

O peor, un alborotador


 

Silencio

Este mismo silencio

Antes del aplauso en el teatro

Cuando se acabó la obra

Con la muerte trágica del personaje


 

Un silencio saturado de emociones contradictorias


 

Nadie se atreve a moverse

Ni murmullar

Ni soplar


 

Se contienen

Detienen el tiempo

Hasta que el silencio

Llegue al climax


 

Denso

Palpable

Irrespirable

Igual que el aire

Antes de que llegue la tormenta


 

Un calor extenuante

Aturdiendo cada uno


 

De temor

Que el menor movimiento

Soplo

Quebrante la atmósfera


 

Que se derrame la lluvia

Y tan delicada a la vez

Como una copa de cristal

Que sostiene uno en la mano


 

Bastaría una ligera presión

O solo dejarla caer

Para que estalle


 

En este instante preciso

Así debía ser el alma de esos hombres

A punto de estallar


 

“Tierra”

La copa estalla


 

"Tierra”

La lluvia se derrama sobre el mundo


 

“Tierra”

Resuena el aplauso en el teatro


 

“Tierra”

Grito uno de los marineros


 

“Tierra”

Repitió otro


 

“Tierra, Tierra, Tierra”

Gritan todos con una sola voz

traducción en trabajo !

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