
Écho Fraternel
à mon frère Julien
Enfants, nous nous parlions par absence
Sept ans nous séparaient comme un océan
Tu étais l’aventurier
Celui qui découvre et raconte
Le grand, l’inconnu
Celui que l’on écoute
Et moi, je taisais mes mots d’enfant
Nos cœurs fraternels
N’avaient pas encore tendu l’oreille à la voix de l’autre
J’étais à mes jeux
Toi aux tiens
Chacun aux rythmes battant de son âge
Et même dans la moiteur des Grenadines
Chavirant d’une île à une autre
Des homards fumant sur la plage aux bananeraies écarlates
Entre singes jacasseurs dans les mangroves et pécheur d’étoiles
Nous étions ensemble sans vraiment l’être
C’est bien plus tard que nous avons appris à parler
La langue commune du voyage
Avec incompréhensions
La cruauté des mots parfois
Avec l’extase des arabesques
Et des temples hindous aussi
C’est dans un étrange pays
Que nous nous sommes rencontrés
À dos de chameau dans un désert pluvieux
Et sur les rives crachant feux et encens du Gange
Là-bas, ballonnés par d’interminables détours
dans un train bleu nuit
Ou dans des tape-culs rieurs de nos déboires
Tour à tour pris par une fièvre intestinale
La tête enivrée de palace et de contes maharadjas
Errants de rues faméliques, une eau diluvienne
Chargées de catastrophes et de joie à la taille
Ou encore chercheur de mystérieux exorcistes
Sous une statue gargantuesque en béton-armé
Là, nos cœurs distanciés ont entendu un écho fraternel
Nous avons pleuré et nous avons ri
De nous être enfin rencontrés
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