
Fils des Âges
I.
C’est un écho de peaux guerrières
Que murmure et répète le vent
Sur les rives du désert
Un chant de discorde
Qui allume de grands fanaux
Sur les remparts de la ville
Et sème un trouble insidieux
Au cœur des terres fertilisées
Par le limon de l’apostasie
Dans la fosse de l’orage
Le lion pousse son cri glorieux
Pour annoncer la venue des ombres
II.
Œil flamboyant qui vigile
La danse mystique des sables
À l’orée d’une plus grande bataille
Toi, qui erres sur les récifs de la nuit
Gardien du sommeil des pâtres et des princes
Tu veilles encore lorsque l’âtre rumine la braise
Solitaire, au milieu de la marée silencieuse de l’attente
Vois-tu venir ces génies maléfiques
Que ni les hommes ni les dieux
Ne surent dominer ou réduire
C’est au son d’un clairon véhément
Qu’ils proclament leur entrée en scène
L’acte dramatique de leur funeste avènement
III.
Des voix se sont élevées
Dans les songes du fou
Présageant un nouveau déluge
Des voix se sont tues
Dans l’esprit du sage
Augurant une perfide épidémie
Le regard rivé vers les astres
Ils cherchent avec fièvre
Dans les méandres célestes
La réponse qui donnera foi à l’humanité
IV.
Déjà cavalent à l’horizon de sinistres nuages
Tels de fougueux et intrépides animaux
Que plus aucune bride ne retient
Un crachin de poussière
A marqué son sceau dans le foyer
De leur âme que la folie ministre
Aveugles, précipitées dans la cohue des bourrasques
Sont-elles encore maîtresses de leurs émotions
Ces bêtes hébétées par l’incendie du Levant
V.
Lorsque l’homme et la bête
Se ressemblent comme deux frères
Qu’un même souffle vengeur anime
Qu’au fond de leurs yeux brûle
Cette nitescence féroce pareille
À une lave ambrée dans un ciel d’hivers
Lorsque le verbe reflète la haine
Le mot, un poignard sournois
Tranchant comme le silence
Lorsque la haine n’est plus
Une glaise épaisse et rêche
Que l’on garde sous la langue
VI.
Vois-les qui cheminent, épris d’arrogance
Princes barbares qu’une étoile déchue
Guide dans la steppe de leurs passions
Leurs caravanes creusent le gouffre
Qui à l’aube prochaine du jugement
Sera le sépulcre de ce siècle
Et drainent dans leur sillage
La lignée de belliqueux prophètes
Vers les égouts de la civilisation
VII.
Assis son socle de granit
La matrice du passé
Grondant à ses pieds
Ce patriarche observe d’un œil morne
La rapide progression des flammes
Sur les pâturages abandonnés
D’une main forte, mais bientôt chancelante
Il affermit les lourdes chaînes
Qui le retiennent à sa gloire
Qu’il aimerait encore
Sentir sur son front séculaire
Le souffle léger du destin
Et aux lèvres d’une fontaine
Puiser l’ambroisie qui offre
Aux maîtres une jeunesse éternelle
VIII.
Puissant il ne l’est plus qu’en apparence
Et son royaume n’est qu’un piètre simulacre
Où agonisent les poètes de la révolution
Telle une rose que l’absence de sentiments a fanée
Et que l’on présente sur un plateau d’argent
Pour une dernière fois en ressusciter le parfum
On agite les oriflammes séniles de la liberté
Dans un ciel abandonné aux dieux anthropophages
Festoyant de la chaire de leur création
IX.
Sur les rives empourprées du désert
C’est un peuple agenouillé
Qui mendie son salut
Mais sourde est sa voix
Dans le tumulte des plaintes
Qu’apporte la crue en amont
X.
Pleure Fils des Âges
Que tes larmes abreuvent la soif
Des lunes étrangères en ta demeure
Que ces larmes saumâtres
Dissipent en toi toute peur
Et avivent l’éclat de ton jeune esprit
Pleure fils des moissons nouvelles
Et brave l’oublie que les pères engendrent
Comme autant d’hydres sifflantes
Car il faudra encore se souvenir des chants
Que les pierres serinent aux soirs d’été
Lorsque la brise effleure leurs pâles visages
Il faudra encore d’une entaille profonde
Faire couler à torrent le sang des morts
Afin que la terre remémore leurs noms
Et épargne celui des vivants
Hijo de los Siglos
I.
Es un eco de pieles guerreras
Que murmura y repite el viento
En las riveras del desierto
Un canto de discordia
Que prende grandes fanales
En las murallas de la ciudad
Y siembra una inquietud insidiosa
En las tierras fertilizadas
Par el cieno de la apostasía
En la fosa de la tormenta
El león brama su glorioso alarido
Para anunciar la aparición de las sombras
II.
Ojo llameante que vigila
La danza mística de las arenas
A la linde de una mayor batalla
Tu, quien erra en los arrecifes de la noche
Guardián del sueño de los pastores y príncipes
Sigues velando cuando fogón rumia la braza
Solitario en medio de la marea silenciosa de la espera
Ves llegar a esos genios maléficos
Que ni hombre ni dios
Supieron dominar o aniquilar
Con el sonido de un vehemente clarín
Proclaman su entrada al escenario
El acto dramático de su funesto advenimiento
III.
Surgieron voces
En los sueños del alienado
Presagiando un nuevo diluvio
Se acallaron voces
En el espíritu del sabio
Augurando una pérfida epidemia
La mirada fija en los astros
Afiebrados buscan
En los meandros celestiales
La respuesta que dará fe a la humanidad
IV.
Ya cabalgan al horizonte siniestras nubes
Cual fogosos e intrépidos animales
Que ninguna brida retiene
Una mollizna de polvo
Marcó su sello en el hogar
De sus almas que la locura ministra
Ciegas, precipitadas en el barullo de las borrascas
Siguen siendo maestras de sus emociones
Esas bestias aleladas por el incendio del Levante
V.
Cuando el hombre y la bestia
Se parecen a dos hermanos
Que un mismo soplo vengador anima
Que en el fondo de sus ojos
Ese fulgor salvaje quema
Como lava ámbar en un cielo invernal
Cuando el verbo refleja la ira
La palabra, un puñal solapado
Filoso como el silencio
Cuando la ira dejó de ser
Arcilla espesa y rugosa
Que uno guarda bajo la lengua
VI.
Velos abriéndose camino, arrogantes
Príncipes bárbaros que una estrella decaída
Guía en la estepa de sus pasiones
Sus caravanas cavan el abismo
Que al alba del juicio
Será sepulcro de este siglo
Y drenan en su estela
El linaje de belicosos profetas
Hacia las alcantarillas de la civilización
VII.
Sentado en su zócalo de granito
La matriz del pasado
Retumbando bajo sus pies
Este patriarca observa con ojo taciturno
La veloz progresión de las llamas
En los pastos abandonados
Con mano fuerte, pero ya pronto insegura
Se aferra a las pesadas cadenas
Que lo retienen en su gloria
Que todavía él amaría
Sentir en su frente secular
El ligero soplo del destino
Y a los labios de una fuente
Catar la ambrosía que ofrece
A los amos una juventud eterna
VIII.
Poderoso solo en apariencia
Su reino no es sino un simulacro
En el que agonizan los poetas de la revolución
Cual rosa que la ausencia de sentimientos marchitó
Y se presenta en bandeja de plata
Para resucitar la fragancia por última vez
Agitamos las oriflamas seniles de la libertad
En el cielo abandonado a dioses antropófagos
Que festejan la carne de su creación
IX.
En las riveras acarminadas del desierto
Un pueblo arrodillado
Mendiga su salvación
Pero sorda es su voz
En el tumulto de plañidos
Que concurre la crecida
X.
Llora Hijo de los Siglos
Que tus lágrimas sacien la sed
De las lunas extranjeras en tu morada
Que estas salobres lágrimas
Disipen en ti todo miedo
Y aviven el esplendor de tu joven espíritu
Llora hijo de las nuevas cosechas
Y desafía el olvido que engendran los padres
Como tantas hidras silbantes
Aún tendremos que recordar los cantos
Por piedras entonados en los atardeceres de verano
Cuando la brisa roza sus pálidos rostros
Aún tendremos, con una entalla profunda
Que derramar a torrente la sangre de los muertos
Para que la tierra rememore sus nombres
Y en paz deje aquellos de los vivos